par Invité » Lun 13 Juin 2005, 18:15
Comment feminiser genetiquement les odeurs sexuelles de mouches males?
La communication par signaux chimiques - les phéromones - joue un rôle essentiel dans la vie sexuelle et sociale de nombre d'espèces vivantes. Ainsi, chez la mouche Drosophila melanogaster, les phéromones sexuelles sont des hydrocarbures, différents entre les deux sexes et ayant des effets opposés. Une équipe du laboratoire " Neurobiologie de l'apprentissage et de la mémoire " (CNRS-Université Paris 11) à Orsay, a utilisé différentes stratégies génétiques pour féminiser les phéromones sexuelles de la drosophile mâle. Les chercheurs ont observé que les mâles ainsi féminisés induisent la parade homosexuelle d'autres mâles : leurs phéromones agissent comme si elles étaient produites par des femelles. Ces mâles " parfumés " présentent généralement une parade hétérosexuelle : ils ne sont donc pas auto-stimulés par leurs propres phéromones. Des résultats précédents (1) montraient que la féminisation de certaines parties du cerveau des mâles induit leur bisexualité. Ainsi pour les chercheurs, les deux aspects de l'identité sexuelle de la drosophile - la perception des autres, et la présentation de soi aux autres - sont contrôlés par des mécanismes anatomiques et génétiques différents.
Les phéromones sexuelles sont des signaux chimiques spécifiques importants pour la reconnaissance et l'excitation sexuelles. La mouche Drosophila melanogaster porte, sur sa cuticule, des hydrocarbures qui agissent comme des phéromones. Ces molécules, différentes entre les mouches des deux sexes, ont des effets opposés : les phéromones femelles (diènes) stimulent la parade amoureuse du mâle, alors que la phéromone mâle (7-tricosène) inhibe l'ardeur du mâle et augmente la réceptivité sexuelle de la femelle. Où et quand les phéromones sexuelles des mouches sont-elles produites ? Quel comportement sexuel un mâle féminisé pour ses phéromones induit-il envers les autres mâles ? Quel comportement adopte-t-il envers ses partenaires mâles et femelles ?
C'est à ces questions qu'ont voulu répondre des chercheurs du laboratoire " Neurobiologie de l'apprentissage et de la mémoire " (CNRS-Université Paris 11) à Orsay, en utilisant différentes stratégies génétiques pour féminiser les phéromones du mâle, c'est-à-dire pour lui faire produire des diènes au lieu du 7-tricosène. Pour cela ils ont manipulé le gène " transformer " qui détermine la plupart des différences sexuelles chez la drosophile et dont le produit normal de transcription n'est fonctionnel que chez la femelle. Une souche transgénique a été créée où toutes les mouches contiennent ce gène synthétique " transformer femelle dominant ". Les mâles ont ainsi été féminisés par l'expression de ce gène. Deux moyens d'expression de ce transgène féminisant ont ensuite été choisis. Le premier a consisté à ne faire exprimer ce gène que dans certaines cellules, ce qui a permis de cartographier celles qui produisent les phéromones sexuelles : ce sont les ¦nocytes adultes qui ont une distribution abdominale segmentaire. Le deuxième a consisté à faire également exprimer ce gène féminisant dans toute la mouche, mais à un moment précis de son développement. Les chercheurs ont ainsi observé que la maturation sexuelle des phéromones intervient chez la mouche adulte, âgée de moins de 2 jours.
Les mâles qui sont féminisés pour leurs phéromones induisent la parade homosexuelle d'autres mâles, ce qui démontre que ces substances agissent comme si elles étaient produites par des femelles. En revanche, ces mâles " parfumés " présentent généralement une parade hétérosexuelle, ce qui signifie qu'ils ne sont pas auto-stimulés par leurs propres phéromones.
Des résultats précédents (1) montraient que la féminisation de certaines parties du cerveau des mâles induit leur bisexualité, c'est-à-dire que ces mâles ne sont plus capables de discriminer le sexe phéromonal de leur partenaire, à cause d'une modification dans leur cerveau. Les résultats présents montrent que les mâles féminisés pour leurs phéromones induisent la parade homosexuelle d'autres mâles, mais ne présentent pas eux-mêmes de parade homosexuelle.
Ces résultats pris ensemble indiquent que ces deux aspects de l'identité sexuelle de la drosophile - la perception des autres et la présentation de soi aux autres - sont contrôlés par des mécanismes anatomiques et génétiques différents. Le comportement homosexuel peut donc être causé par la féminisation du cerveau du mâle qui courtise, ou par la féminisation des phéromones du partenaire courtisé. La nature complexe de l'identité sexuelle et des interactions comportementales, chez un organisme aussi simple que la drosophile, suggère que les explications simplistes concernant le déterminisme génétique de l'orientation sexuelle sont probablement erronées.
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